ILS SONT FOUS DE FOOT CES ROMAINS ! - 16/06/2001
Source : L'EQUIPE
Dimanche l’AS Roma devrait remporter le Calcio le plus sombre de l’histoire.
Aucun écran géant se sera installé dans Rome ce dimanche à l’occasion du dernier match de championnat à domicile entre l’AS Roma et Parme. Les autorités municipales ont craint des débordements de foule et surtout des incidents graves entre supporters " giallorossi " (jaune et rouge) de la Roma et " biancazzuri " (blanc et bleu) de la Lazio, plus que jamais rivaux. En effet, l’autre grand club de la capitale est toujours mathématiquement en course, juste derrière la Juventus, pour le gain du " scudetto ", le titre de champion d’Italie, même si, à trois points du leader, l’AS Roma, ses chances paraissent bien minces.
À l’annonce, en début de semaine, de la mauvaise nouvelle des milliers de tifosi se sont plantés, place Colonna ou rue Appia Nuova, devant les boutiques du club pour tenter de décrocher l’une des 75 000 places du stade olympique. Certains ont passé un jour et une nuit sur le trottoir, trompant l’attente en chantant, en discutant ou à l’occasion en insultant les quelques policiers qui s’étaient aventurés à mettre un peu d’ordre dans la cohue. Dès la première après midi, durant laquelle 28 000 billets avaient été vendus, le marché noir a été ouvert. Mercredi il fallait débourser 1 million de lires (un peu plus de 3 000 francs) pour un siège en tribune d’honneur. Ce sera vraisemblablement le double dimanche. Ils sont fous de foot ces Romains !
Après le match et quel qu’en soit le résultat, des incidents sont à redouter. Dimanche dernier un policier a été poignardé dans un train et des bagarres ont éclaté à Naples après une partie acharnée. Depuis quelques mois un groupe néonazi baptisé les Irréductibles de la Lazio, réputé pour son ultraviolence, se sert du virage nord de l’Olympique comme caisse de résonance à ses slogans de haine. Voudront-ils faire " mieux " que les abrutis de Milan qui du toit du stade San Siro ont balancé un scooter enflammé sur une tribune heureusement en train de se vider ? L’image qui a fait le tour du monde symbolise en quelque sorte un premier championnat du siècle qui s’achève dans le chaos. Les hooligans agissent en toute impunité. " Le calcio est hors contrôle, il est tombé dans les pièges du capitalisme dérégulé " s’inquiète l’éditorialiste du Corriere dello Sport.
Il y a la violence, le racisme, les insultes entre joueurs ou dirigeants de club. Le dopage aussi. Cette saison s’achève avec dix cas de prise excessive de nandrolone (qui permet l’augmentation de la masse musculaire et une meilleure résistance aux entraînements) parmi lesquels celui de Davids le coéquipier de Zidane à la Juve, révélés par le laboratoire de Rome qui fonctionne enfin après avoir été accusé, non sans raison, de tourner à vide voire de magouiller les résultats d’analyse. Le truquage enfin. Matchs arrangés, transferts illégaux et faux passeports de joueurs sont légion. Une quarantaine de footballeurs et dirigeants de la première division sont sur la sellette. La fédération italienne de football (FederCalcio) qui n’a toujours pas pu élire son président à cause d’un règlement interne antidémocratique fait pleuvoir les amendes, de plusieurs milliards de lires et les suspensions, mais sans prendre de sanctions sportives. Il est vrai que l’exemple vient de haut : à six journées de la fin la haute Justice italienne a autorisé que l’on déroge à la règle de la limitation à trois du nombre de joueurs extra-communautaires.
Le retour aux affaires de Berlusconi, toujours patron du Milan AC, ne présage rien de meilleur pour le calcio. On peut notamment penser qu’il fera tout pour empêcher Gianni Rivera, ancienne gloire du Milan et ex-secrétaire d’État à la Défense du gouvernement de centre gauche, adversaire direct du " Cavaliere " aux législatives à Milan de plus, d’accéder à la présidence de la fédération. Pour les tifosi romains cependant, toutes ces considérations seront jusqu’à dimanche, occultées. Seule la victoire de leur équipe sera belle. Même si le " scudetto " qu’ils escomptent fêter, selon la tradition, pendant un mois, sera cette année taché de sang et de boue.